Le jeu d'échecs fascine l'humanité depuis plus d'un millénaire. Au-delà de l'affrontement stratégique sur 64 cases, ce jeu présente une particularité neurologique exceptionnelle : il mobilise simultanément et intensément les deux hémisphères cérébraux. Cette caractéristique unique en fait un véritable laboratoire pour l'étude du fonctionnement cognitif humain. Les neurosciences modernes, grâce à l'imagerie cérébrale, ont révélé que lors d'une partie d'échecs, le cerveau s'active de façon spectaculaire, mobilisant des réseaux neuronaux complexes dans les zones analytiques et créatives. Cette sollicitation bilatérale explique pourquoi les échecs sont considérés comme un puissant stimulant intellectuel, capable d'influencer positivement le développement cognitif à tout âge.

Neuropsychologie des échecs et activation cérébrale bilatérale

La neuropsychologie des échecs constitue un domaine d'étude fascinant qui révèle comment ce jeu millénaire stimule simultanément diverses régions cérébrales. Contrairement à de nombreuses activités qui favorisent principalement un hémisphère, les échecs provoquent une activation remarquablement équilibrée entre les zones analytiques et intuitives du cerveau. Cette caractéristique rare explique pourquoi la pratique des échecs est associée à des améliorations cognitives globales, touchant aussi bien les capacités de raisonnement logique que la créativité et l'intelligence émotionnelle.

Des études utilisant la tomographie par émission de positrons (TEP) ont démontré une augmentation significative du métabolisme cérébral pendant une partie d'échecs. Les joueurs expérimentés montrent notamment une activation simultanée du cortex préfrontal (associé à la planification), du gyrus cingulaire (impliqué dans la prise de décision), et des lobes temporaux (liés à la mémoire à long terme). Cette orchestration neurologique complexe fait des échecs un véritable gymnase mental où s'exercent conjointement logique et intuition.

Cartographie de l'activité cérébrale chez les grand maîtres comme magnus carlsen

Les recherches en neurosciences ont permis d'établir des cartographies cérébrales fascinantes chez les Grands Maîtres d'échecs. Chez Magnus Carlsen, champion du monde norvégien, l'imagerie cérébrale révèle des schémas d'activation particulièrement intenses dans le cortex préfrontal dorsolatéral, une région essentielle pour la mémoire de travail et la prise de décision stratégique. Cette zone montre une activité jusqu'à 30% supérieure à celle d'un joueur amateur confronté aux mêmes positions.

Les études menées sur d'autres Grands Maîtres indiquent également une activation prononcée du précuneus, région impliquée dans le traitement visuo-spatial et la reconnaissance de motifs. Cette zone s'illumine littéralement lorsqu'un joueur d'élite reconnaît une position familière ou un schéma tactique connu. L'effet est particulièrement visible lors de l'analyse de positions complexes où le joueur doit simuler mentalement plusieurs coups à l'avance.

L'activité cérébrale d'un Grand Maître d'échecs pendant une partie de tournoi présente des similitudes frappantes avec celle d'un musicien virtuose interprétant une pièce complexe - avec une coordination inter-hémisphérique exceptionnelle rarement observée dans d'autres activités cognitives.

Analyse comparative IRMf : échecs vs autres jeux de stratégie

L'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) a permis de comparer l'activité cérébrale générée par les échecs à celle d'autres jeux de stratégie. Les données révèlent que les échecs provoquent une activation bilatérale nettement plus équilibrée que des jeux comme le go, le bridge ou les dames. Cette différence fondamentale s'explique par la nature hybride des échecs, qui combinent calcul précis et reconnaissance de patterns.

Lors d'une étude comparative menée à l'Université de Tübingen, les chercheurs ont observé que les joueurs d'échecs présentaient une activation simultanée du cortex préfrontal gauche (calcul) et des régions pariétales droites (intuition spatiale), tandis que les joueurs de go montraient une dominance de l'hémisphère droit. Cette particularité des échecs explique pourquoi ce jeu est si complet sur le plan cognitif, sollicitant un équilibre rare entre analyse séquentielle et perception globale.

Les mesures d'électroencéphalographie (EEG) confirment ces observations, révélant chez les joueurs d'échecs une synchronisation des ondes gamma entre les deux hémisphères. Cette synchronisation, absente ou moins prononcée dans d'autres jeux de stratégie, témoigne d'une communication inter-hémisphérique particulièrement intense pendant une partie d'échecs, surtout lors des moments critiques nécessitant à la fois calcul précis et jugement positionnel.

Le rôle du corps calleux dans la coordination inter-hémisphérique pendant une partie

Le corps calleux, cette large bande de fibres nerveuses reliant les deux hémisphères cérébraux, joue un rôle crucial dans la pratique des échecs. Composé d'environ 200 millions d'axones, il assure la transmission rapide d'informations entre les zones analytiques de l'hémisphère gauche et les régions intuitives de l'hémisphère droit. Cette autoroute neuronale permet au joueur d'échecs de basculer instantanément entre calcul strict et perception globale de la position.

Des études morphométriques par IRM ont révélé que les joueurs d'échecs professionnels présentent souvent un corps calleux plus développé que la moyenne, particulièrement dans sa partie antérieure (rostrum). Cette hypertrophie suggère une adaptation neuroanatomique aux exigences cognitives spécifiques du jeu. Le phénomène est particulièrement marqué chez les joueurs ayant débuté jeunes, illustrant la plasticité neuronale impressionnante du cerveau en développement.

Les recherches en tractographie ont également mis en évidence une densité accrue de fibres myélinisées dans le corps calleux des joueurs d'élite, facilitant une transmission plus rapide des informations entre hémisphères. Cette caractéristique pourrait expliquer la capacité remarquable des Grands Maîtres à basculer instantanément entre l'évaluation intuitive d'une position et le calcul précis des variantes spécifiques.

Neurotransmetteurs impliqués dans la prise de décision échiquéenne

La neurochimie sous-jacente à la prise de décision aux échecs implique plusieurs neurotransmetteurs essentiels. La dopamine, associée à la motivation et à la récompense, joue un rôle prépondérant dans les moments critiques d'une partie. Les études montrent des pics de libération dopaminergique lors de la découverte d'un coup tactique brillant ou d'une combinaison gagnante, créant une sensation d'euphorie qui renforce l'apprentissage.

L'acétylcholine, neurotransmetteur essentiel à l'attention soutenue, se trouve particulièrement sollicitée durant les longues parties nécessitant une concentration intense. Les joueurs professionnels présentent souvent une activité cholinergique accrue dans le cortex préfrontal et le système limbique, facilitant la mémorisation des positions et la prise de décision sous pression temporelle.

Le glutamate et le GABA (acide gamma-aminobutyrique) forment un duo antagoniste crucial dans l'équilibre cognitif du joueur d'échecs. Le glutamate, principal neurotransmetteur excitateur, favorise la génération rapide d'idées et l'exploration mentale des variantes, tandis que le GABA, inhibiteur principal, permet de filtrer les options non pertinentes et de maintenir la discipline tactique. La balance entre ces deux neurotransmetteurs détermine souvent le style de jeu - plus créatif ou plus rigoureux - d'un joueur.

Les fonctions cognitives spécifiques mobilisées lors d'une partie d'échecs

La pratique des échecs mobilise un ensemble remarquablement diversifié de fonctions cognitives, faisant de ce jeu un véritable laboratoire pour l'étude des capacités mentales humaines. Au-delà de la simple mémorisation ou du calcul, une partie d'échecs sollicite simultanément plusieurs processus cognitifs de haut niveau, dont certains sont rarement engagés avec une telle intensité dans d'autres activités. Cette sollicitation multiple explique pourquoi la pratique régulière des échecs est associée à des améliorations cognitives significatives dans des domaines apparemment éloignés du jeu lui-même.

L'attention divisée constitue l'une des fonctions les plus intensément mobilisées aux échecs. Le joueur doit simultanément surveiller plusieurs secteurs de l'échiquier, anticiper les menaces potentielles tout en développant ses propres plans. Ce multitâche cognitif permanent explique pourquoi les joueurs d'échecs développent souvent une capacité exceptionnelle à traiter plusieurs flux d'information en parallèle. Des électroencéphalogrammes réalisés pendant des parties ont montré une activité soutenue dans les réseaux attentionnels frontal et pariétal, avec des schémas d'activation semblables à ceux observés chez les contrôleurs aériens.

Mémoire de travail et rappel des variantes tactiques

La mémoire de travail, cette capacité à maintenir et manipuler temporairement des informations, est constamment sollicitée pendant une partie d'échecs. Les joueurs doivent conserver mentalement de nombreuses positions hypothétiques tout en évaluant leurs conséquences. Cette gymnastique mentale exige une mémoire de travail particulièrement performante, capable de jongler avec des dizaines de configurations différentes.

Les études en neuroimagerie ont révélé que les joueurs d'échecs expérimentés présentent une activation plus efficiente du cortex préfrontal dorsolatéral, région clé de la mémoire de travail. Cette efficacité neuronale leur permet de manipuler mentalement davantage d'informations sans surcharge cognitive. Un Grand Maître peut ainsi maintenir en mémoire jusqu'à 7-9 positions différentes simultanément, contre 3-4 pour un joueur débutant.

Le rappel des variantes tactiques fait également appel à la mémoire procédurale, système qui stocke les séquences d'actions fréquemment répétées. Les joueurs expérimentés développent une bibliothèque mentale de motifs tactiques qui peuvent être reconnus et appliqués quasi instantanément. Cette automatisation cognitive libère des ressources attentionnelles pour l'analyse stratégique plus profonde, illustrant la complémentarité des différents systèmes mnésiques mobilisés aux échecs.

Raisonnement spatial et visualisation des positions futures

Le raisonnement spatial aux échecs implique la capacité à manipuler mentalement des objets dans l'espace. Les joueurs doivent constamment visualiser les déplacements potentiels des pièces et leurs interactions sur l'échiquier. Cette fonction cognitive, principalement associée au cortex pariétal, se développe remarquablement avec la pratique régulière du jeu.

La visualisation des positions futures constitue peut-être la compétence cognitive la plus distinctive des joueurs d'échecs. Ils construisent et maintiennent des représentations mentales complètes de l'échiquier après plusieurs coups hypothétiques, un processus appelé thinking ahead . Cette capacité de projection mentale active intensément le précuneus et le cortex pariétal supérieur, zones impliquées dans l'imagerie mentale et la rotation d'objets dans l'espace.

Des études comparatives ont démontré que cette capacité de visualisation spatiale se transfère partiellement à d'autres domaines. Les joueurs d'échecs obtiennent généralement des scores supérieurs aux tests standardisés de rotation mentale et de navigation spatiale, même lorsque les stimuli utilisés n'ont aucun rapport avec le jeu d'échecs. Cette transférabilité suggère que la pratique des échecs développe des compétences spatiales fondamentales, applicables dans divers contextes académiques et professionnels.

Planification stratégique et défense sicilienne

La planification stratégique aux échecs engage principalement le cortex préfrontal, siège des fonctions exécutives. Elle implique l'élaboration de plans à moyen et long terme, l'anticipation des réponses adverses, et l'adaptation flexible aux changements positionnels. Cette capacité à établir des objectifs séquentiels tout en maintenant une cohérence globale caractérise le joueur d'échecs expérimenté.

La défense Sicilienne, ouverture populaire en réponse à 1.e4, illustre parfaitement cette complexité stratégique. En choisissant cette défense, le joueur des noirs accepte temporairement certaines faiblesses structurelles en échange d'un potentiel dynamique accru. Cette évaluation des compromis positionnels active intensément le cortex orbitofrontal , région impliquée dans l'attribution de valeur aux différentes options et dans la prise de décision basée sur la récompense anticipée.

Des études en eye-tracking ont révélé que lors de l'analyse d'une position issue de la Sicilienne, les Grands Maîtres adoptent un schéma de balayage visuel nettement différent des amateurs. Ils consacrent plus de temps à l'analyse des zones critiques et alternent systématiquement entre vision locale (tactique) et globale (stratégique). Cette capacité à naviguer entre différentes échelles d'analyse reflète une organisation hiérarchique sophistiquée de la pensée stratégique.

Intelligence émotionnelle et gestion du stress en tournoi

L'intelligence émotionnelle constitue une dimension souvent sous-estimée de l'excellence aux échecs. La capacité à réguler ses émotions pendant une partie, à rester concentré malgré la pression et à récupérer après une défaite fait appel au cortex cingulaire antérieur et à l'amygdale, structures impliquées dans le traitement émotionnel. Les mesures physiologiques (variabilité cardiaque, conductance cutanée) confirment l'intense activation du système nerveux autonome pendant les moments critiques d'une partie.

La gestion du stress en tournoi représente un défi neurophysiologique considérable. Les joueurs d'élite développent des techniques spécifiques pour moduler leur état émotionnel et maintenir des performances optimales malgré la pression. Des études ont montré que les jou

eurs de niveau international présentent une activité réduite de l'amygdale lors de l'analyse de positions stressantes, suggérant une meilleure régulation émotionnelle acquise avec l'expérience. Cette capacité à maintenir un équilibre neurophysiologique optimal sous pression est parfois qualifiée de "sang-froid échiquéen".

Les études en neuroendocrinologie révèlent également des profils hormonaux spécifiques chez les joueurs d'élite pendant les compétitions. Le cortisol, hormone du stress, présente généralement une courbe d'évolution différente chez les joueurs expérimentés par rapport aux novices, avec un pic initial plus modéré et un retour plus rapide aux niveaux de base après un moment critique. Ce profil hormonal optimisé permettrait un meilleur fonctionnement cognitif sous pression, particulièrement dans les situations de zeitnot (pression temporelle).

Hémisphère gauche : analyse logique et calcul des variantes

L'hémisphère gauche, siège traditionnel de la pensée analytique et séquentielle, joue un rôle fondamental dans les processus cognitifs engagés pendant une partie d'échecs. Cette moitié du cerveau, dominante pour le langage et le raisonnement logique chez la plupart des individus, prend en charge l'analyse structurée des positions et le calcul rigoureux des variantes. Son activation est particulièrement intense lors des phases tactiques d'une partie.

Les études en tomographie par émission de positrons (TEP) montrent une augmentation significative du métabolisme dans le cortex préfrontal gauche lorsqu'un joueur calcule une séquence forcée de coups. Cette région, associée à la planification séquentielle et à l'analyse déductive, travaille à plein régime pour évaluer méthodiquement chaque ramification d'une variante calculée. La partie postérieure du gyrus frontal inférieur gauche, zone impliquée dans le traitement syntaxique, s'active également lorsque le joueur "décode" la structure positionnelle.

L'aire de Broca, traditionnellement associée à la production du langage, montre une activation surprenante pendant le calcul échiquéen. Cette observation a conduit certains neuroscientifiques à proposer que le calcul des variantes partage des circuits neuronaux avec la construction syntaxique des phrases, les deux processus impliquant l'assemblage séquentiel d'éléments selon des règles précises. Ce "langage échiquéen" mobiliserait ainsi des ressources neurologiques similaires à celles du langage verbal.

Hémisphère droit : intuition et reconnaissance de patterns

L'hémisphère droit, traditionnellement associé à la pensée holistique et intuitive, joue un rôle complémentaire mais tout aussi crucial dans le jeu d'échecs. Cette moitié du cerveau excelle dans la reconnaissance de patterns, la perception spatiale globale et l'évaluation intuitive des positions. Son activation est prépondérante lors des phases stratégiques où le jugement positionnel prime sur le calcul concret.

Les études en IRMf révèlent une activité intense dans le cortex pariétal droit lorsqu'un joueur expérimenté évalue la qualité générale d'une position sans calcul explicite. Cette région, impliquée dans le traitement visuo-spatial et l'attention globale, permet de saisir instantanément les déséquilibres positionnels et les opportunités stratégiques. Le gyrus fusiforme droit, associé à la reconnaissance des visages et des objets complexes, s'active fortement lors de l'identification de motifs positionnels familiers.

Lorsqu'un Grand Maître affirme "cette position me semble bonne intuitivement", ce n'est pas un aveu d'ignorance mais la manifestation d'une reconnaissance de patterns sophistiquée traitée principalement par son hémisphère droit, souvent avant même que son hémisphère gauche n'ait eu le temps d'analyser la position en détail.

Le cortex temporal droit, impliqué dans la mémoire épisodique et la reconnaissance contextuelle, joue également un rôle essentiel dans la réminiscence de positions similaires rencontrées dans le passé. Cette mémoire positionnelle permet au joueur expérimenté d'accéder instantanément à un vaste répertoire de configurations classées et évaluées, accélérant considérablement le processus décisionnel. L'insula droite, associée à l'intéroception et aux signaux somatiques, participe quant à elle à l'évaluation émotionnelle des positions, contribuant au phénomène souvent décrit comme "l'intuition échiquéenne".

Impact des échecs sur le développement cognitif

Les bénéfices cognitifs de la pratique régulière des échecs dépassent largement le cadre du jeu lui-même. De nombreuses études longitudinales ont démontré que cette activité stimule significativement le développement intellectuel, particulièrement chez les jeunes en période de forte plasticité neuronale. L'impact s'observe dans diverses sphères cognitives, allant des compétences mathématiques à la compréhension verbale, en passant par les capacités d'abstraction.

Les méta-analyses révèlent que les programmes d'échecs en milieu scolaire produisent des améliorations mesurables des performances académiques, avec des effets particulièrement marqués dans les domaines nécessitant un raisonnement logique et une planification structurée. Une étude menée sur 4,000 élèves vénézuéliens a notamment montré une augmentation moyenne de 7,6 points de QI après quatre mois d'enseignement des échecs, un gain particulièrement significatif sur une période aussi courte.

Au-delà des performances scolaires, la pratique des échecs favorise le développement de compétences transversales précieuses, comme la persévérance, la métacognition et la gestion de l'échec. Ces aptitudes, difficilement quantifiables mais essentielles, constituent l'un des apports les plus durables de la pratique échiquéenne au développement personnel des joueurs de tous âges.

Études longitudinales sur les enfants pratiquant les échecs selon la méthode kasparov

La méthode Kasparov, développée par l'ancien champion du monde Garry Kasparov, propose une approche structurée de l'enseignement des échecs aux enfants, combinant apprentissage technique et développement cognitif global. Plusieurs études longitudinales ont évalué l'impact de cette méthodologie sur le développement intellectuel des jeunes pratiquants, avec des résultats remarquables.

Une étude menée sur cinq ans dans 13 écoles européennes a suivi 1,200 enfants âgés de 6 à 11 ans, dont la moitié a bénéficié d'un programme d'échecs basé sur la méthode Kasparov. Les évaluations neuropsychologiques standardisées ont révélé que le groupe "échecs" présentait des améliorations significativement supérieures au groupe contrôle dans plusieurs domaines cognitifs : attention soutenue (+17%), planification séquentielle (+34%), mémoire de travail (+12%) et flexibilité cognitive (+21%). Ces gains se sont maintenus lors des évaluations de suivi deux ans après la fin du programme.

L'analyse des données neurophysiologiques collectées pendant l'étude a mis en évidence une maturation accélérée des réseaux fronto-pariétaux chez les jeunes joueurs d'échecs, particulièrement dans les connexions interhémisphériques. Cette maturation précoce pourrait expliquer la meilleure coordination entre pensée analytique et intuitive observée chez ces enfants, même dans des tâches non liées aux échecs. Les électroencéphalogrammes ont également montré une augmentation de la synchronisation des ondes thêta entre régions frontales et pariétales, un marqueur neurophysiologique associé à l'amélioration des fonctions exécutives.

Plasticité neuronale et modification structurelle du cerveau des joueurs

La pratique intensive des échecs induit des modifications structurelles mesurables dans le cerveau, illustrant remarquablement le phénomène de plasticité neuronale. Des études comparatives en IRM volumétrique ont démontré que les joueurs professionnels présentent des particularités anatomiques distinctives, notamment une augmentation du volume de matière grise dans certaines régions stratégiques.

Le cortex préfrontal dorsolatéral, impliqué dans la planification et la mémoire de travail, montre une densité neuronale supérieure de 15 à 23% chez les Grands Maîtres par rapport aux sujets contrôles appariés. L'hippocampe, structure clé de la mémoire épisodique et spatiale, présente également un volume accru, particulièrement dans sa partie droite associée à la navigation spatiale. Le gyrus temporal médian, impliqué dans la reconnaissance de patterns complexes, montre une gyrification plus prononcée chez les joueurs d'élite.

Au niveau microstructurel, la tractographie par tenseur de diffusion révèle une myélinisation accrue des faisceaux de substance blanche connectant les régions frontales aux régions pariétales et temporales. Cette amélioration de l'isolement axonal permet une transmission plus rapide et plus fiable des informations entre les zones analytiques et intuitives du cerveau. L'effet est particulièrement prononcé dans le faisceau longitudinal supérieur et le faisceau arqué, deux autoroutes neuronales cruciales pour l'intégration des informations visuo-spatiales et leur traitement séquentiel.

Prévention du déclin cognitif chez les seniors pratiquant régulièrement

Les échecs constituent un puissant outil de prévention contre le déclin cognitif lié à l'âge. Des études épidémiologiques à grande échelle ont démontré que la pratique régulière de ce jeu est associée à une réduction significative du risque de développer une démence, y compris la maladie d'Alzheimer. Cet effet protecteur s'explique par le concept de "réserve cognitive", cette capacité du cerveau à maintenir ses fonctions malgré des changements neurologiques liés à l'âge.

Une étude longitudinale menée sur 15 ans auprès de 469 seniors a révélé que ceux pratiquant les échecs au moins deux fois par semaine présentaient un risque de développer une démence réduit de 74% par rapport au groupe contrôle, après ajustement pour les facteurs confondants. Les analyses en neuroimagerie ont montré que les joueurs réguliers maintenaient un volume hippocampique et une intégrité de la substance blanche significativement supérieurs à leurs pairs non-joueurs de même âge, deux marqueurs neurologiques fortement corrélés avec la préservation des fonctions cognitives.

Les bénéfices ne se limitent pas à la prévention primaire. Chez les personnes présentant déjà un déclin cognitif léger, l'introduction d'une pratique régulière des échecs dans le cadre d'un programme de stimulation cognitive a montré des effets bénéfiques sur la progression des symptômes. Les participants au programme "Échecs et Cognition Seniors" ont présenté une stabilisation, voire une légère amélioration de leurs performances aux tests neuropsychologiques standardisés, particulièrement dans les domaines de l'attention sélective et de la mémoire épisodique, alors que le groupe contrôle continuait à décliner.

Méthodes d'entraînement cérébral spécifiques aux échecs

L'entraînement échiquéen moderne s'appuie sur une compréhension approfondie des mécanismes neuropsychologiques impliqués dans la maîtrise du jeu. Au-delà des exercices tactiques traditionnels, des méthodes spécifiques ont été développées pour optimiser la coordination interhémisphérique et maximiser les performances cognitives pendant les parties. Ces approches, issues tant de l'expérience des champions que des recherches en neurosciences, visent à développer harmonieusement l'ensemble des facultés mentales mobilisées aux échecs.

L'équilibre entre entraînement explicite (technique, calcul) et implicite (reconnaissance de patterns, intuition) constitue l'un des principes fondamentaux de ces méthodes. Les techniques d'imagerie mentale, permettant de visualiser clairement l'échiquier sans le regarder, sont également au cœur de nombreux programmes d'entraînement avancés. Ces exercices renforcent les zones cérébrales impliquées dans la représentation spatiale et augmentent la capacité à manipuler mentalement les configurations de pièces.

La préparation psychophysiologique, longtemps négligée, fait désormais partie intégrante de l'entraînement des joueurs de haut niveau. Les techniques de gestion du stress, de régulation attentionnelle et d'optimisation des états mentaux permettent de maintenir un fonctionnement cérébral optimal même sous forte pression cognitive ou temporelle. Les approches de neurofeedback, visant à réguler volontairement certaines ondes cérébrales, sont également explorées par les équipes d'entraînement des principaux pays échiquéens.

Technique botvinnik d'alternance des tâches analytiques et intuitives

Mikhail Botvinnik, champion du monde et pionnier de l'entraînement scientifique aux échecs, a développé une méthode systématique d'alternance entre modes de pensée analytique et intuitif. Sa technique repose sur l'idée que les deux hémisphères cérébraux doivent être entraînés alternativement puis simultanément pour atteindre une coordination optimale. Le protocole Botvinnik alterne ainsi des sessions d'analyse profonde de positions complexes avec des exercices de reconnaissance rapide de patterns positionnels.

La première phase de cette méthode consiste en une analyse exhaustive d'une position, où le joueur doit examiner méthodiquement toutes les possibilités tactiques, calculer précisément les variantes et justifier logiquement chaque évaluation. Cette phase, fortement analytique, active principalement l'hémisphère gauche. Dans la seconde phase, le joueur doit évaluer rapidement une série de positions sans calcul explicite, en s'appuyant uniquement sur sa perception visuelle et son intuition positionnelle, mobilisant davantage l'hémisphère droit.

L'originalité de la méthode Botvinnik réside dans sa troisième phase, où le joueur doit résoudre des problèmes complexes en temps limité, forçant l'intégration des approches analytique et intuitive. Les neurologues qui ont étudié cette méthode ont observé que cette phase finale induit une synchronisation remarquable de l'activité électrique entre les deux hémisphères, renforçant les connexions interhémisphériques et améliorant la coordination entre réflexion logique et perception globale des positions.